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Le projet de loi sur la sécurité intérieure est caractéristique d’un état policier


Info parue le 1er janvier 2004 dans :

Alternatives économiques
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En voulant adapter la justice aux évolutions de la criminalité, le gouvernement s’attaque aux libertés individuelles. Syndicats et associations des droits de l’homme réagissent.

Sommaire :

  • Durcissement de la loi
  • La réaction du syndicat de la magistrature
  • Les suites
  • Durcissement de la loi

    Il y a des raisons de s’inquiéter du durcissement de la loi prévu par "l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité" (projet de loi proposé par Dominique Perben).

    Mais également de toutes les atteintes à cette institution qu’est la "Justice" française. Le Ministère de la Justice deviendrait petit à petit une succursale du Ministère de l’Intérieur, selon les professionnels du Syndicat de la magistrature, lesquels aimeraient légitimement être consultés dans le cadre de deux projets de loi récents :

    - le projet de loi sur la « prévention de la délinquance » de Nicolas Sarkozy ;
    - le projet de loi sur la criminalité organisée.

    Ce dernier alourdit fortement les peines pour les crimes et délits qualifiés de "délinquance et criminalité organisée". Cela concerne notamment "l’aide au séjour des étrangers en siuation irrégulière".
    Un texte flou qui permet tous les abus : "à partir de combien forme-t-on une bande, et quels critères déterminent si elle est organisée ?".

    La réaction du syndicat de la magistrature

    Syndicats et associations des droits de l’homme s’inquiètent. Le Syndicat de la magistrature lance un appel unitaire à un moratoire sur le projet de loi « criminalité organisée » :

    "Le projet de loi sur la criminalité organisée sera examiné au sénat en 2e lecture les 20 et 21 janvier 2004. Etant donné les conséquences qu’entraîne ce texte, un ensemble d’organisations, dont le Syndicat de la magistrature, demandent au gouvernement un moratoire sur ce projet de loi.

    Le projet de loi sur la criminalité organisée sera examiné au sénat en 2e lecture les 20 et 21 janvier 2004.
    S’il est adopté, il opérera, avec la nouvelle procédure de "plaider coupable" [1] un bouleversement total de notre système pénal, notamment en ce qui concerne le jugement des infractions en matière correctionnelle (environ 430 000 condamnations chaque année en France), sans présenter de garanties suffisantes pour les libertés individuelles.
    En outre, ce projet de loi, qui s’étend désormais à l’ensemble des activités relevant du droit pénal, de l’enquête policière à l’application des peines, modifie considérablement l’exercice de nombreux droits. Qu’il s’agisse des droits de la défense, de la présomption d’innocence, des droits des personnes en garde à vue, ou du droit à un procès équitable [2].
    Quelles que soient les conceptions et les analyses de chacun sur ce projet de loi "criminalité organisée", nous estimons qu’un débat citoyen préalable, dépassant l’enceinte parlementaire, doit avoir lieu avant tout vote sur une loi qui transforme notre système judiciaire.
    Le parlement ne peut pas, en l’espace de 3 ans à peine, adopter des positions totalement contradictoires : après avoir adopté de façon quasi-unanime en juin 2000 une loi renforçant la présomption d’innocence, celle-ci est aujourd’hui remise en cause.
    Les deux rapports parlementaires de 2000 avaient unanimement dénoncé l’état lamentable des prisons en France et les effets nocifs de la détention, insistant sur le fait qu’elle devait être un recours ultime et exceptionnel. Au contraire, l’actuel projet de loi "criminalité organisée" aura pour conséquence de favoriser le recours à l’emprisonnement dans nombre de circonstances, contribuant à une inflation carcérale d’une ampleur sans précédent. Une telle politique est aussi en totale contradiction avec les recommandations les plus récentes adoptées à l’unanimité des Etats membres, par le Conseil de l’Europe.
    L’empilement des textes pénaux et la multiplication du nombre d’infractions rendent l’application de la loi pénale de plus en plus complexe pour les professionnels, et de plus en plus incompréhensible pour les usagers de la justice. Une pause législative est nécessaire afin de permettre l’évaluation des effets de ces textes.
    Nous demandons donc au gouvernement d’instaurer un moratoire sur ce projet de loi, et de suspendre son examen par le sénat les 20 et 21 janvier 2004."

    Lire la suite sur le site du Syndicat de la magistrature

    A lire également : un article sur le site de l’Humanité

    Les suites

    Voir l’article du 4 mars 2004 dans Libération : "Perben 2 : un texte si peu assagi" : le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions du texte de loi concernant la procédure d’exception et le plaider coupable.

    Une dépêche du 10 mars dans Le Monde : "La loi Perben II sur la criminalité organisée publiée au Journal officiel"

    Voir aussi l’article : ""

     

    Date ref : 1er janvier 2004
    Info en ligne depuis le 10 mars 2004
    Mise à jour le 11 mars 2004
    Article consulté 1197 fois.

     


    Notes :

    [1] Le procureur peut "proposer à un prévenu, en échange de la reconnaissance de sa culpabilité, une peine allégée [...] Ce compromis [...] peut devenir une entorse à la présomption d’innocence : un prévenu mal conseillé par un avocat commis d’office sera enclin à accepter l’offre du procureur, qui risque d’être avalisée sans examen approfondi du dossier par un président du tribunal de grande instance souvent débordé".
    Séverine Leboucher pour Alternatives Economiques, n°221, janvier 2004, p.26

    [2] Le renforcement des prérogatives de la police concerne l’infiltration des réseaux par des policiers, des perquisitions de nuit, des écoutes téléphoniques généralisées et la prolongation des gardes à vues.

     

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